Quand le ministre de la Justice répond...




Je publie ci-dessous une lettre de Nadia Boumazzoughe au ministre de la Justice et sa réponse.

La réponse négative de De Clerk, à sa demande d’intervenir pour le Belge Ali Aarrass auprès des autorités espagnoles ou d’au moins s’informer sur sa situation, s’ajoute à la longue liste de refus d’intervenir auprès des autorités espagnoles et marocaines de la part des autorités belges.
Avant l’extradition d’Ali Aarrass, le ministre des Affaires étrangères, Van Ackere, avait dit et écrit, je cite : « Je n’entreprendrai pas de démarche qui pourrait être interprétée par mon collègue espagnol comme une ingérence dans des affaires internes et surtout comme un manque de confiance dans le système judiciaire espagnol. Pour ce qui concerne votre question relative à une visite du consul, l’assistance aux Belges détenus à l’étranger ne prévoit pas l’organisation de visites consulaires dans les pays de l’Union européenne.».
Et après son extradition, dans une communication écrite à Farida Aarrass, je cite : « je vous confirme que la position en matière d’aide consulaire aux bipatrides est de ne pas intervenir auprès des autorités locales du pays de leur autre nationalité… Comme Ali Aarrass est considéré comme de nationalité marocaine par les autorités marocaines, nos services ne les contacteront donc pas pour votre frère ».
Tout comme pour la famille d’Oussama Atar, détenu belge en Irak, le ministre n’a jamais voulu accorder un entretien à la famille d’Ali Aarrass en détresse.
Et voici un nouvel argument du ministre de la Justice, qui a attendu 50 (!) jours avant de répondre à une lettre urgente : « J’ai le regret de vous communiquer que d’après mes informations l’extradition a déjà eu lieu. » Point barre.
Le ministre se moque-t-il de nous ou essaie-t-il d’être cynique ? Croit-il vraiment qu’un mois après l’extradition d’Ali Aarrass vers le Maroc, information relayée par toute la presse belge, il nous apprend quelque chose ?

Cette réponse a le mérite de démontrer que tous nos ministres sont parfaitement au courant de l’affaire Ali Aarrass, comme ils le sont de l’affaire Oussama Atar. Le jour où on leur demandera de rendre des comptes devant un tribunal pour non-assistance à des personnes en danger, l’excuse « je n’étais pas au courant » ne passera pas.
Comment comprendre ce refus d’intervention, d’aide ou d’une assistance même minimale ?
Regardons l’attitude et les déclarations de la Belgique dans deux autres affaires qui se passaient au même moment que les affaires d’Ali Aarrass ou Oussama Atar et où la diplomatie belge s’est lancée sans retenue. En septembre 2009, trois Belges, Mathieu, Vincent et Idesbald avaient été arrêté en Iran parce qu’ils se trouvaient dans une zone militaire interdite au public où ils prenaient des photos. Dans un communiqué du 9 décembre 2009 le ministère des Affaires étrangères communique : « Les Affaires étrangères suivent chaque dossier consulaire de près et nos ambassades et consulats suivent systématiquement le déroulement d’éventuelles procédures judiciaires avec les autorités locales… Par ailleurs, nous entretenons des contacts réguliers avec les familles des compatriotes détenus à l’étranger et les informons de l’évolution du dossier…. » Après que l’Iran avait annoncé la libération des trois ressortissants belges, le ministre belge des Affaires étrangères, Vanackere, sort un nouveau communiqué le 6 janvier 2010. Dans ce communiqué, il se félicite du « dénouement heureux de ce dossier » et a remercié les parents et les amis des trois touristes de « leur patience et de leur collaboration constructive, qui ont sans aucun doute contribué à cette heureuse issue ».
Avez-vous jamais vu ce genre de communication pour Ali ou Oussama ?

Oui mais, direz vous, ces affaires ne sont pas comparables.


Mais voyons alors l’attitude de la Belgique par rapport aux prisonniers politiques dans d’autres pays que le Maroc ou l’Irak. Dans un communiqué du Ministère des Affaires étrangères du 3 décembre 2010, on apprend ceci : « L’Ambassadeur de Belgique a rencontré ce matin à Yangon Daw Aung San Suu Kyi dans la résidence de l’opposante birmane…. Pour le Vice-Premier ministre et Ministre des Affaires étrangères Steven Vanackere, cette rencontre a été l’occasion pour la Belgique de confirmer son soutien à l’opposante birmane dans son combat pour une transition démocratique au Myanmar…..Steven Vanackere rappelle que la priorité reste la libération des quelques 2100 prisonniers politiques au Myanmar : « j’en appelle au régime birman à faire en sorte que la récente libération d’Aung San Suu Kyi soit une première étape vers la libération inconditionnelle de tous les autres prisonniers politiques ».
A nouveau, avez-vous déjà vu une déclaration pareille concernant le Maroc ou l’Irak ?
A vous de chercher la différence. A vous de tirer vos conclusions.


La lettre au ministre de la Justice

Bruxelles, le 1 décembre 2010
Monsieur le ministre,

Permettez moi de solliciter votre intervention urgente concernant l’extradition imminente du Belgo-Marocain Ali Aarrass, détenu en Espagne, vers le Maroc.
Suite à la décision du Conseil des ministres espagnol du 19 novembre dernier d’approuver la demande d’extradition du Maroc, Amnesty International a lancé un appel disant qu’Ali Aarrass est en grand danger, qu’il risque d’être soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements, et d’être victime d’un procès inique.
J’aimerais vous demander de vous joindre à l’ appel d’Amnesty International, ainsi qu’à celui de Zoe Genot (Ecolo), et des députés londoniens Jeremy Corbin (Parti Socialiste/Labour Party), Jean Lambert (Parti des Verts/ Green Party) et Baroness Sarah Ludford (Parti Libéral/Liberal Democrats).
Je vous mets la déclaration d’Amnesty, de Zoe Genot et des députés anglais en attaché.
Pourriez-vous, en tant qu’élu(e), faire une déclaration individuelle de soutien contre l’extradition d’Ali et me l’envoyer svp ?
Pourriez-vous vous consulter avec vos collègues afin de faire une déclaration commune de votre groupe (parlementaire ou communal) ?
Pourriez-vous recevoir Farida Aarrass, la soeur d’Ali, à votre bureau pour qu’elle puisse vous communiquer les dernières nouvelles concernant la situation dramatique dans laquelle se trouve son frère et sa famille ?
Ali est citoyen belge , il ne bénéfice d’aucune assistance de la part de notre gouvernement. Il est innocent !!!
En vous remerciant d’avance,
Sincèrement votre,

Nadia Boumazzoughe

La réponse du ministre de la Justice

Bruxelles, 20 janvier 2011
Concerne : votre courrier du 1 décembre 2010

Madame Boumazzoughe,
Par la présente, j’accuse bonne réception de votre courrier du 1 décembre 2010 lequel a retenu toute mon attention.
D’après les informations qui m’ont été transmises, j’ai le regret de vous communiquer que l’extradition de Monsieur Ali AARRASS de l’Espagne vers le Maroc a déjà eu lieu.
Veuillez agréer, Madame Boumazzoughe, l’assurance de ma considération distinguée.

Le ministre de la Justice,
Stefaan De Clerk

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