La décapitation d’un enseignant à Paris et les enfants de notre monde barbare

Décapitation, égorgement, attaque au couteau ou à la machette : l’acte est monstrueux, effrayant et horrible, les mots pour le décrire le sont autant. 

Un meurtre commis de telle manière, avec les mains, touche délibérément notre imaginaire, encore plus qu’un meurtre commis de distance, avec un fusil ou par drone. Il évoque des temps barbares et primitifs d’un passé qu’on croyait révolu. 

Mais si ce meurtre était un signal sur l’état actuel du monde barbare qui a été créé pour nos enfants ?

Je viens d’écrire un petit essai sur le meurtre de George Floyd et les liens entre le terrorisme blanc, l’extrême-droite et la police aux États-Unis. Quand j’ai appris la nouvelle du meurtre du professeur à Paris, la similitude entre deux jeunes tueurs, l’un aux Etats-Unis, l’autre en France, m’a frappé. 

Tous les deux sont les produits extrêmes du climat ambiant violent et fasciste au sein de nos sociétés.

Le jeune aux États-Unis s’appelle Kyle Rittenhouse. Il a 17 ans. Il est de type caucasien. Il est fasciné par Trump. Le 25 août dernier, il a commis l’irréparable. Deux jours auparavant, il a vu les images du couple d’avocats blancs, Mark et Patricia McCloskey, invités comme orateurs à la Convention nationale républicaine de Trump. Ce couple s’était fait connaître, lui avec un fusil d’assaut, elle avec un pistolet, menaçant une manifestation de Black Lives Matter qui passait devant leur villa. À la Convention, le couple a lancé un appel aux armes : « face à la menace, il faut se défendre ».  Le jour suivant, le Kenosha Guard, une milice d’extrême droite locale, lance un « appel aux armes » sur Facebook. Le groupe appelle « les Patriotes armés à sortir ce soir pour défendre la ville contre les voyous de Black Lives Matter ». 

Kyle se met en route de sa maison à Antioch en Illinois vers la ville d’un autre état, Kenosha en Virginie, à une demi-heure de chez lui. Il est armé de sa carabine Smith and Wesson AR-15 avec un chargeur de trente balles, et tue à bout portant deux manifestants.  

Le jeune en France s’appelait Abdoullakh Abouyezidvitch A. Il a 18 ans. Il est d'origine tchétchène et est né à Moscou en 2002. Tout comme Kyle, il n’habite pas à l’endroit où il va commettre son acte.  Il réside à Evreux, à une centaine de kilomètres de la commune de Conflans-Sainte-Honorine où a eu lieu le drame. 

Tout comme Kyle, il doit prendre la route pour arriver devant le collège, où il demandera à plusieurs élèves de lui montrer l’enseignant, qu’il ne connaît pas. Il ne le connaît que par les médias sociaux où il a lu les protestations, les demandes de démission d’un enseignant qui a montré les caricatures du prophète Mohamed dans la classe, et dont l’adresse et le numéro de téléphone ont été publiés. Il s’agit de venger le blasphème : "J'ai exécuté un de tes chiens de l'enfer qui a osé rabaisser Mouhammad », publiera-t-il sur les réseaux sociaux.  

Je pourrais continuer avec la comparaison entre Patrick Crusius, 21 ans, qui a tué vingt-deux personnes dans un supermarché à El Paso, et Mohammed Merah, 23 ans, qui a tué sept personnes à Toulouse et Mantauban.  

Vingt ans

Vingt ans de guerre comme vengeance des attentats du 11 septembre 2001. C’est l’âge qu’avaient tous ces jeunes. 

On se souvient les propos de Bush et de Blair : « Qui n’est pas avec nous est contre nous », « Les règles du jeu ont définitivement changé ». Ce qui signifiait que la violence serait désormais le moyen de résoudre les problèmes politiques, sociaux ou religieux. Qu’il est légitime de faire la guerre, de se venger, œil pour œil, dent pour dent. 

Vingt ans de discours guerriers, racistes et islamophobes. 

Vingt ans d’appels à la riposte et à la vengeance pour les massacres et les humiliations subies par les peuples opprimés.   

Voilà le résultat.


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