Bravo pour la police, haro sur les détenus

Lantin en 2016,
https://www.demorgen.be/

(La violence de la prison, partie 2)

Une semaine ordinaire en juillet

Le jeudi 17 juillet, le personnel de la prison de Wortel s'est mis en grève pendant 24 heures pour protester contre « les problèmes de sécurité persistants, le manque d'investissements depuis des années, les caméras défectueuses et les détenus agressifs sans papiers ». (1) 

Le même jour, la police a dû intervenir dans la prison de Hasselt pour transférer un détenu dans une cellule d'isolement. Peu après, selon la presse, deux gardiens ont été agressés par un détenu violent. Ils ont dû être transportés à l'hôpital et sont dans l'incapacité de travailler.

À peine trois jours plus tard, le dimanche 20 juillet, le personnel de la prison de Hasselt a cessé le travail après qu'un gardien a été blessé par balle à l'extérieur de la prison. Les détenus n'ont pas été autorisés à quitter leur cellule. Toutes les activités, telles que les promenades, ont été suspendues jusqu'au lundi matin. (2)

Le même jeudi 17 juillet, plusieurs détenus de Lantin ont refusé de regagner leur cellule après leur promenade. Ils exigeaient que le régime des visites soit respecté. Qu'ils puissent passer plus de temps à l'extérieur en raison de la chaleur, d'autant plus que certains détenus sont parfois trois dans une cellule individuelle. Qu'ils aient accès à davantage de douches et de nourriture, comme il se doit. Tout cela n'est plus le cas depuis l'incendie dans la prison. Certains ont tout simplement faim, a déclaré un témoin. À ceux qui estiment tout cela exagéré car provenant de la bouche des détenus et de leurs partisans, je conseille de lire le rapport sur l'audition parlementaire concernant la surpopulation et la situation générale dans les prisons. On y lit : « Il y a non seulement un manque de personnel, mais aussi un manque de nourriture de qualité, de papier toilette, de produits de nettoyage et d'équipements de protection individuelle... La nourriture est soumise aux règles générales d'indexation des frais de fonctionnement, mais les prix des denrées alimentaires ont augmenté plus rapidement que l'indexation générale. Il est donc difficile de fournir suffisamment de fruits et de légumes frais à tous les détenus. »(3) 

Lorsque les détenus dénoncent cette situation et se mobilisent, la police fédérale est envoyée sur place. L'incident a été clos. Mais pas pour longtemps.

Le même jour, le 17 juillet, la ministre Anneleen Van Bossuyt a organisé un exercice « bagarre, alarme incendie et tentative d'évasion » dans la nouvelle aile de la prison de Merksplas, également appelée centre de retour fermé. (4) Dans cette nouvelle aile, une quarantaine de demandeurs d'asile attendent leur expulsion forcée. « Ceux qui menacent notre sécurité n'ont pas leur place ici », a déclaré la ministre. Et d'ajouter : « Mettre simplement dans un avion des personnes sans papiers, ce n'est pas si simple. »

Si tous ces événements survenus le même jour n’ont pas de liens directs, ils résument parfaitement la violence qui règne dans les prisons. Nous continuons à construire des prisons et des centres d'asile, alors que nous ne parvenons pas à maîtriser la crise carcérale actuelle et que nous constatons que les nouvelles prisons ne résolvent en rien la crise. Nous nous préparons à davantage de protestations et d'incidents, avec ou sans violence, et à leur répression, alors que nous ne sommes même pas en mesure de garantir les droits minimaux des prisonniers. 

Le samedi 19 juillet, un groupe d'une cinquantaine de prisonniers de Lantin est à nouveau passé à l'action pour les mêmes revendications que deux jours auparavant.(5) Cette fois-ci, l'action a duré deux jours. Les prisonniers ont passé la nuit dans la cour de la prison. Jusqu'à ce que la police fédérale y mette fin dimanche après-midi à 16 heures. Cette action pacifique, avec des revendications tout à fait raisonnables, sans dégâts ni blessés, a été réprimée sans aucun résultat. Valérie Callebaut, porte-parole de l'administration pénitentiaire, n'a eu que des éloges pour la police : « Nous tenons à souligner la bonne coopération avec la police fédérale et locale dans la gestion de cet incident. »(6) Pas un mot sur les prisonniers. Tous les participants à l'action feront l'objet d'une sanction disciplinaire.

En félicitant la police et en sanctionnant les détenus, les autorités continuent de fermer les yeux. Mais pour combien de temps encore ?

Personne ne croit plus que la situation s'améliorera un jour, mais nous continuons à faire comme si

Il est tout à fait normal que le personnel pénitentiaire et leurs syndicats souhaitent travailler dans un environnement sûr et non violent. Mais les solutions qu'ils proposent ne sont pas de nature à y parvenir. 

Il y a par exemple le désintérêt syndical lorsqu'il ne s'agit pas de violence contre le personnel, contre « les collègues ». « En 2024, il y a eu 370 cas d'agression avec incapacité de travail d'un ou plusieurs membres du personnel dans les prisons », a déploré un syndicaliste. (7) Pour la troisième fois en moins d'un an, le 11 juillet 2025, après les grèves de novembre 2024 et mars 2025, le syndicat socialiste de la prison de Haren a lancé un appel à la grève contre la violence carcérale. Il disait ceci : « En à peine un mois, pas moins de huit incidents graves d'agression contre des collègues ont été recensés, au cours desquels plusieurs agents ont été blessés. Et il ne s'agit là que des incidents graves, sans compter les innombrables interventions et agressions quotidiennes auxquelles nous sommes confrontés ». Il s'agissait d'incidents survenus au mois de juin, tels que « des insultes, des coups de poing et des coups de pied à des agents, des jets de téléphone ou de café chaud, des crachats, des coups sur la porte de la cellule, avec ou sans blessures ».

Le syndicat demande donc davantage de personnel, des quotas pour le nombre de personnes admises dans une prison, davantage de cellules disciplinaires et un soutien accru de la direction en cas d'incidents graves. Il ajoute : « Nous comprenons qu'il n'existe pas de solution miracle contre la violence et que cela représente également un défi complexe pour la direction ».

Ce que les syndicats devraient faire, c'est confronter systématiquement les politiciens et l'opinion publique au fait que la prison est une institution violente dont nous devons nous débarrasser. Parce qu'elle n'apporte aucune solution à la violence qu'elle prétend combattre. Les syndicats doivent également répondre à des questions telles que : quelle est l'ampleur de la violence exercée par « les collègues » à l'encontre des détenus ? Quelle est l'ampleur de la violence entre détenus que le personnel ignore parce qu'il est trop dangereux d'intervenir ou parce que c'est le bon moyen de garder le contrôle sur les différents groupes dans la prison ? Qui se soucie du fait qu'une partie des détenus ne quittent pas leur cellule par crainte de violences ?

Pour vous donner une idée de la situation, nous reprenons le rapport de la Commission de surveillance de la prison d'Andenne pour l'année 2023 : « D'une manière générale, nous avons constaté que la violence physique et psychologique est omniprésente dans la prison. Comme nous l'avons déjà constaté dans notre rapport de 2022, la violence est toujours présente et ne cesse d'augmenter, tant en fréquence qu'en intensité... Des incidents violents impliquant des coups à mains nues, des couteaux et des lames de rasoir sont régulièrement signalés... Plusieurs détenus (estimés entre 30 et 40 % de la population carcérale) ne se rendent plus dans la cour, où se déroulent principalement ces violences. Ils restent enfermés dans leur cellule, par crainte d'entrer en contact avec des personnes qui leur veulent du mal. Certains n'osent même pas aller travailler ou prendre leur douche. »

En ce qui concerne les directions, dans un énième appel à agir contre la crise pénitentiaire, l'ancien directeur de prison Hans Claus a écrit ce texte dramatique : « ... La situation derrière les murs s'est encore détériorée. Ils (les directeurs) ont renoncé à caresser le rêve que les choses s'amélioreront un jour... Ils terminent leur journée avec soulagement lorsqu'ils peuvent clôturer l'appel du soir sans qu'un détenu se soit suicidé ou lorsqu'ils ont réussi, à force de discours cyniques, à convaincre leur seul psychiatre à temps partiel de rester un peu plus longtemps. Après tout, cela affecte aussi un médecin qui doit faire un choix parmi les trente demandes de consultation. À qui va-t-il rendre visite au guichet de la cellule et, surtout, à qui ne va-t-il pas rendre visite ? »(8)

 Besoin de solutions magiques et d'utopie

N'est-ce pas précisément dans de telles circonstances que nous devons rechercher une solution magique et faire place à l'utopie ? Le système est défaillant et ne fonctionne pas. Le refus d'un tel système est le début de la solution. 

Commençons par un moratoire sur la construction de nouvelles prisons et par la fermeture des prisons délabrées. (9) À la place de ces institutions et avec les fonds ainsi libérés, investissons de manière prioritaire, massive et à grande échelle dans les soins. Les agents pénitentiaires ainsi libérés trouveront leur place dans ces nouvelles formes de soins. Rouvrons ensemble le débat sur un autre modèle de société, une société égalitaire. Commençons, avec tous les acteurs concernés, à mettre en pratique de nouvelles formes de cohabitation et de justice.

Notes

[1] https://www.nieuwsblad.be/regio/antwerpen/kempen/hoogstraten/gevangenispersoneel-wortel-legt-24-uur-het-werk-neer-tijdens-staking-er-is-jarenlang-niet-genvesteerd/78553508.html

[2] https://www.nieuwsblad.be/regio/limburg/hasselt/personeel-hasseltse-gevangenis-legt-werk-neer-nadat-cipier-beschoten-is-in-privesfeer/78899468.html

[3] Chambre des représentants de Belgique, 15 avril 2025 LA CRISE DUE À LA SURPOPULATION DANS LES PRISONS Auditions

[4] https://www.hln.be/binnenland/vechtpartij-brandalarm-en-ontsnappingspoging-minister-van-bossuyt-speelt-sans-papiers-tijdens-oefening-in-gesloten-terugkeercentrum~a57b7477/

[5] https://www.rtl.be/actu/belgique/justice/ils-vont-au-finish-50-detenus-de-la-prison-de-lantin-refusent-de-retourner-dans/2025-07-19/article/757093?utm_source=beloud.com&utm_medium=beloud.com

[6] https://www.7sur7.be/belgique/intervention-de-la-police-a-lantin-lensemble-des-detenus-retournent-dans-leurs-cellules~af0f2782/

[7] https://www.bruzz.be/actua/samenleving/vakbondsfront-klaagt-escalatie-geweld-gevangenissen-aan-met-betoging-brussel-2025

[8] Hans Claus dans DM 16/7/2025, La situation derrière les murs de la prison continue de se détériorer, qu'attendons-nous pour agir ?

[9] Voir l'appel lancé par Jean-Baptiste Godinot et moi-même en avril 2017. https://www.ieb.be/L-appel-des-200-pour-un-moratoire-sur-les-prisons ; https://1130haren.be/oproep-voor-een-moratorium/


Article suivant : Violence dans les prisons ? Circulez, il n'y a rien à voir.

La violence dans les prisons, partie 3.


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