Lettre ouverte à Charles Picqué sur la méga-prison de Haren : Il est temps que le PS revienne à la raison


Jean-Baptiste Godinot jeanbaptistegodinot@scarlet.be
Luk Vervaet vervaetluk@gmail.com
Elisabeth Grimmer elisabethgrimmer@yahoo.fr





M. CHARLES PICQUE
c/o Severina Rodriguez Noriega
Hôtel de Ville
Place Maurice Van Meenen 39 – 1060 Saint-Gilles
Tél. (+32.2) 536.03.80
info@charlespicque.be

Copie à :
-          Belga, RTBF, RTL-TVi, BX1 ; La DH, Le Soir, La Libre, Le Vif, L’Echo
-          divers élus des partis PS, MR, CDH, Défi, Ecolo, PTB
-          jeunesses des partis politiques




Bruxelles, le 26 juillet 2016

Objet : Haren : il est temps que le PS revienne à la raison - Lettre ouverte à Monsieur Charles Piqué


Monsieur le Ministre d'Etat,
Monsieur le Président du Parlement Bruxellois,
Monsieur le Bourgmestre,
Cher concitoyen,

Au cours des années 2007 et 2008, en pleine crise institutionnelle ouverte avec les élections du 10 juin 2007, un « deal », dont aucune trace ne semble disponible, a été négocié entre les communes de Saint-Gilles et Forest, la Région de Bruxelles capitale et le niveau fédéral. C’est sans doute avec la mise sur pied du gouvernement Leterme 1er le 30 mars 2008 que ce deal a été acté. Ce « deal » consistait à libérer les fonciers des prisons de Saint-Gilles et Forest en échange de quoi la Région de Bruxelles Capitale devait délivrer les permis nécessaires pour construire la plus grosse prison du pays à Haren. Laquelle se substituerait aux trois établissements pénitentiaires bruxellois (aux prisons de Saint-Gilles et Forest il faut ajouter la prison pour femme de Berkendael).
Vous avez joué un rôle déterminant dans ce projet, à tous les niveaux de pouvoirs :
1.                  comme bourgmestre de Saint-Gilles tout d’abord. Vous souhaitez développer la commune dont vous êtes mayeur depuis 31 ans et cela passe selon vous par la suppression de la prison qui devrait idéalement être remplacée par un mélange de logement de services et de commerces, qui permettraient une énorme plus-value foncière, feraient moins tâche dans le décor et rapporteraient plus de taxes à la commune. On peut le comprendre, à la condition de n’accorder aucune importance ni intérêt au sort des détenus, de leurs familles et au fonctionnement de la Justice qui seraient gravement impactés. C’est l’option qu’à ce stade vous avez choisie. Le choix de la localisation de Haren dépend sans doute des fonciers accessibles à la Régie des Bâtiments, bien qu’il faille démontrer qu’il n’en existait pas d’autre et qu’aucune autre n’était possible – ce qui est impossible puisque d'autres localisations existent comme l'ancien site de l'OTAN – mais vous l’avez acté et continuez de le faire pour vous débarrasser de la prison. Vous n’avez eu de cesse par ailleurs, de souligner les problèmes récurrents posés par le remplacement des agents pénitentiaires par des policiers communaux lors des grèves dans les prisons, la police locale étant déjà débordée. Vous proposiez donc de déplacer le problème, en « refilant la patate chaude » à votre collègue, du même parti, Yvan Mayeur, lequel se plaint lui aussi d’une police en sous-effectif avant même de recevoir ce qui devrait être la plus grosse prison du pays que les Harenois rejettent massivement.
2.                  Au niveau régional ensuite, puisque vous avez été ministre-président de la Région de Bruxelles capitale de juillet 2004 à mai 2013. Vous pouviez donc engager la Région qui devrait délivrer les permis pour la prison, ce qui correspondait à votre désir mayoral. Il est étrange toutefois d’anticiper de cette manière toute délibération politique et toute consultation citoyenne, comme si la démocratie ne valait pas un pet. La mégaprison devait initialement ouvrir en 2016. Tout retard de procédures considéré, il vous fallait au moins vous assurer que votre successeur ne compromettrait pas votre projet mayoral, ce qui fut fait avec la personne de l’actuel Ministre Président, Rudi Vervoort, qui vous est obligé. Et l’on se pique effectivement de lire et d’entendre que dans ce dossier toxique, l’actuel dirigeant de la Région tient à être loyal à ses prédécesseurs, lesquels sont surtout vous-même.
3.                  Au niveau fédéral enfin, bien que vous n’y siégeasse point au moment du deal secret, le gouvernement fédéral Leterme 1er comptait 5 ministres et secrétaires d’Etat de votre parti : Laurette Onkelinx, Marie Arena, Paul Magnette, Julie Fernandez Fernandez, Jean-Marc Delizée. Vu votre position éminente au sein de la section Bruxelloise de ce parti, votre préoccupation Saint-Gilloise aura sans doute trouvé des relais appropriés pour négocier ce deal secret dont vous teniez par ailleurs la faisabilité via la Région Bruxelloise. Au même moment d’ailleurs, c’est Madame Onkelinx, ministre fédérale, qui avait la présidence de Beliris, ce fond de financement fédéral du développement Bruxellois. Ce même Beliris qui doit financer une partie de l’extension du métro vers le Nord et la station Bordet, qui est considérée comme acquise dans les demandes de permis d’urbanisme et d’environnement de la mégaprison de Bruxelles et qui est supposée constituer le cœur de la réponse à la catastrophe que constituerait cette mégaprison pour la mobilité déjà apoplectique au nord-est de Bruxelles. On lit dans le communiqué de presse Beliris du 6 mai 2008 que « les initiatives qui seront soutenues et développées par Beliris font l’objet de négociations entre les représentants de l’Etat Fédéral - Laurette Onkelinx, présidente de Beliris, Didier Reynders, Jo Vandeurzen et Patrick Dewael - et ceux de la Région - Charles Picqué, Evelyne Huytebroeck, Pascal Smet, Guy Vanhengel - ces représentants forment le Comité de Coopération. » Vous y côtoyez donc la ministre fédérale, vice-présidente de votre parti et actuelle présidente de la section régionale bruxelloise du PS, qui pouvait défendre à ce niveau de pouvoir votre projet déjà communo-régional.
Monsieur le Ministre d'Etat, Monsieur le Président du Parlement Bruxellois, Monsieur le Bourgmestre, Cher concitoyen,
Pour améliorer votre commune, vous avez pensé pertinent d’évacuer les détenus à la frontière de la Région. Cet intérêt localiste, ce réflexe « Nimby » (not in my backyard – pas dans mon jardin)  a semble-t-il pesé plus que toute autre considération puisque le projet qui a été vendu soulève d’innombrables problèmes. Jamais aucune réponse tant soit peu convaincante n'a été apportée aux critiques soulevées. Nous vous soumettons à nouveau quatre d’entre elles, attendant votre réponse puisque vous êtes au cœur de ce projet :

1.                  La mégaprison devrait être réalisée selon un « partenariat-public-privé » de type DBFM. Ce contrat est négocié dans la plus totale opacité, sur des bases légales qui semblent sérieusement défaillantes, ce que vous ne pouviez pas savoir à l’époque, à l’exception notable du fait que le deal que vous avez porté constitue un élément central de toute la procédure et qu’il n’a jamais été rendu public, ce qui pose des problèmes évidents de transparence, de compatibilité démocratique et légale. Ce PPP devrait selon nos estimations couter environ 3 milliards d’euros sur les 25 ans que prévoit le contrat. Une prison coûte trop cher. Une prison en PPP coûte beaucoup trop cher. Une mégaprison en PPP est ruineuse. Pourquoi avez-vous accepté cette formule, dont le poids est de nature à hypothéquer les investissements indispensables dans la Justice déjà exsangue, et ce pendant un quart de siècle ?
2.                  La mégaprison serait située à 12,5 km du palais de Justice, contre les 3 km qui séparent actuellement les prisons bruxelloises de la place Poelaert. Cette distance accrue combinée à la congestion régionale implique une explosion des temps de parcours. Pour le transfert des prisonniers, pour le déplacement des avocats qui doivent rendre visite à leurs clients avant les audiences, c’est une catastrophe. Le Bâtonnier de Bruxelles a indiqué ses craintes de voir les droits fondamentaux de la défense attaqués. Pour quels motifs avez-vous accepté de créer cette contrainte lourde et inutile sur la Justice et les justiciables ?
3.                  Cette localisation constitue un problème insurmontable. La même distance couplée à l’offre fortement déficitaire de transports en commun à Haren est un obstacle significatif aux contacts entre les détenus et leurs familles, lesquelles n’ont le plus souvent pas de voiture. Imaginez la jeune mère amenant ses enfants en visite chez leur père détenu. En partant de l’autre bout de Bruxelles, l’aller-retour dure au moins 3 heures, et facilement plus en cas de problèmes de mobilité qui sont malheureusement fréquents. Comment avez-vous évalué l’impact d’une telle décision, notamment chez les enfants des détenus, qui sont innocents des crimes de leurs parents ? Avez-vous par ailleurs pris en compte la santé des détenus qui seront enfermés toute la journée sept jours sur sept juste sous l’aéroport national qui est la zone la plus bruyante de la capitale, à côté de deux lignes de chemin de fer et du ring ? La prison de Forest compte une aile psychiatrique qui aurait forcément dû être déplacée. Quels principes vous ont-ils conduit à envisager d’exposer en permanence des personnes souffrant de troubles mentaux parfois graves au bruit intense de l’aéroport,  de deux lignes de chemin de fer et du ring ?
4.                  La mégaprison suppose la destruction totale et irréversible du terrain du Keelbeek. 19 hectares de nature sauvegardée depuis toujours, riche d’une biodiversité exceptionnelle et protégée, porteuse sur une vaste superficie d’une terre arable d’une qualité exceptionnelle, comptant des sentiers inscrits à l’atlas depuis le 17ème siècle. Comme vous le savez, la présence d’espaces naturels à proximité des lieux de vie des habitants est un facteur déterminant pour la qualité de leur santé. Haren est déjà saturée d’infrastructures lourdes. Avez-vous considéré ce quartier comme une poubelle, qui pouvait bien subir un autre méga-établissement détruisant son dernier poumon vert ? Que souhaitez-vous proposer à la génération suivante, qui vit dans une ville où la pollution de l’air dépasse les normes sanitaires et rend sa population malade, qui va être exposée à un problème connu et documenté de la crise de production agricole, tout en détruisant l’un derniers larges espaces de terre vivante et arable de la Région ?
Votre conception du bien commun nous échappe. Nous serons heureux de lire la manière dont vous avez pu envisager un tel projet.


Monsieur le Ministre d'Etat, Monsieur le Président du Parlement Bruxellois, Monsieur le Bourgmestre, Cher concitoyen,
Aujourd’hui, ce projet de mégaprison est porté publiquement par le ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V) et Jan Jambon (NVA). Il est vrai que le consortium désigné pour exploiter la prison est composé de grands groupes internationaux et de représentants néerlandophones. L’argent du contribuable va donc pour une large part quitter la Belgique, et pour une petite proportion aller au Nord du pays. On comprend l’intérêt des partis jaunes et orange pour cet édifice qui va bénéficier financièrement à la Flandre et va lourdement handicaper la Région Bruxelloise.
Mais c’est vous qui en avez conçu les prémisses politiques, et c’est toujours vous qui en détenez la clé.
Nous vous demandons de faire en sorte que ce projet toxique, néfaste, dangereux, ne voie jamais le jour. Il n’y a aucune bonne raison de le poursuivre. Il est de votre responsabilité de faire en sorte que dans cette histoire qui a trop duré, le PS revienne, enfin, à la raison. Que le PS au fédéral réalise réellement un travail d’opposition qu’il n’a jamais accompli dans ce dossier. Que le Ministre Président de la Région de Bruxelles Capitale arrête de se cacher derrière son prédécesseur pour accomplir une œuvre funeste « par loyauté » ; que la Région cesse de répéter benoîtement qu’elle ne peut stopper un projet fédéral avec des critères urbanistiques et environnementaux, comme si la manière de concevoir la région ne valait rien, comme si Bruxelles n’avait pas la capacité de décider ce qui est installé sur son territoire, comme si l'environnement comptait pour rien. Que vous reconnaissiez, comme Bourgmestre, qu’il est possible, comme cela l’a été, de maintenir la prison de Saint-Gilles là où elle se trouve depuis 130 ans, parce que cela est préférable pour les détenus, leurs familles et la Justice.
Biensur, les prisons restent un problème. Elles cassent les détenus qui n’ont pas été condamnés à être cassés, mais à être privés de liberté. Elles aggravent l’exclusion sociale. Elles sont l’école du crime, elles génèrent la récidive, particulièrement élevée chez nous. En dehors d’une faible proportion de détenus dont il faut effectivement protéger la société, ce qu’elles peuvent effectivement faire, elles faillissent très largement à leur mission de sécurisation de la vie sociale.
De ce point de vue aussi, le projet de mégaprison doit absolument être évité. Ruineux pour la Justice, déshumanisant jusque dans les détails de la vie en détention plus que jamais machinisée, exposée au bruit constant de l’aéroport national, du rail et du ring, éloigné du palais de justice, beaucoup trop peu accessible pour les familles, Haren promettrait d’être un enfer social et judiciaire. Très loin de résoudre les problèmes posés par les trois établissements actuels, Haren serait la consécration de l’échec fracassant de la désastreuse politique carcérale menée depuis 30 ans.
Les alternatives sont connues. Et pratiquées. A l’étranger comme en Belgique. Nous en retiendrons une, qui se passe près de chez vous, dans la commune limitrophe. Le Bourgmestre Marc-Jean Ghyssels, du même parti que vous, a décidé et contraint le ministre de la Justice à fermer progressivement l’aile C de l’établissement pénitentiaire de sa commune. Il déclarait dernièrement à l’agence Belga : "Le ministre règle le problème forestois, mais pas celui plus large des prisons, qui a trait à la réhabilitation des détenus et à la protection de la société. De ce que je comprends, on va vers plus de rationalisation et plus de difficulté de travail pour les surveillants alors que c'est exactement dans le sens contraire qu'il faut aller. Il faut remettre de l'humain en prison et favoriser les bracelets électroniques pour développer une autre politique pénitentiaire. Et il y a la problématique des retours des détenus belges de la prison de Tilburg aux Pays-Bas".


Monsieur le Ministre d'Etat, Monsieur le Président du Parlement Bruxellois, Monsieur le Bourgmestre, Cher concitoyen,
En 1997, il y avait 7.333 détenus dans les prisons du Royaume. En 2015 ce nombre a atteint 12.000. Entre-temps, la délinquance et la criminalité n’ont pas connu d’évolution significative, sauf peut-être la criminalité en col blanc et l’évasion fiscale, mais il se trouve que ces criminels-là ne semblent pas être massés dans la prison de votre commune ni dans aucune autre. Ce qui explique l’augmentation du nombre de détenus, c’est l’aggravation de la pauvreté et la casse sociale qu’elle induit, c’est la politique sécuritaire qui accompagne la dégradation des conditions de vie socio-économique de la population. Vous le savez, les criminologues le savent, les directeurs de prisons le savent, les entreprises qui construisent les prisons le savent, les gouvernements le savent, parce qu’il s’agit là d’une donnée connue.
La solution au désastre carcéral se trouve de ce côté-là, et pas dans l’aggravation d’une situation sans issue, comme cela a été méthodiquement planifié avec le projet toxique de Haren. En plus d’être néfaste, la mégaprison est inutile, elle n’a d’autre fonction que de durcir davantage la logique de répression qui, paradoxalement, insécurise nos sociétés.
Le discours qui affirme que « les gens veulent des prisons », que « l’opinion publique ne comprendrait pas que l’on ferme des prisons » et autres invocations d’une peur panique qui serait partagée par une majorité d’électeurs tient de la manipulation publique et ne peut constituer le début d’une politique responsable. Il faudrait déjà prouver la validité de ce genre d’affirmation. Puis, comment auraient fait la Suède, la Norvège, les Pays-Bas pour fermer des prisons entières ? La période sécuritaire actuelle n’est pas plus une excuse : le débat public est nouvellement habité par une préoccupation grandissante des effets réels de l’incarcération de masse. Qui n’a pas compris que de nombreux terroristes, bien loin d’être des combattants venus de lointaines et sauvages contrées, sont nos voisins qui ont souvent fait un saut par la case prison où ils ont fait de très mauvaises rencontres ? Cette situation est connue, si bien que la prison dont l’échec est patent ne parvient même plus à rassurer la population sur le risque terroriste. Les programmes de « déradicalisation » en prison sont un aveu criant de la bêtise et de la dangerosité de la politique carcérale actuelle. S’ils existent, c’est bien que les prisons sont le lieu où se fomente ce que précisément la prison cherche à éviter. Il va de soi que disant cela, nous n’épargnons absolument en rien les terroristes dont la place est effectivement entre quatre murs. Mais il est plus que temps de se demander ce qui mène les gens au crime pour s’efforcer d’enrayer ces actes, et ce que l’on prévoit de réinsertion et de réhabilitation pour ceux que l’on enferme derrière les barreaux. Car ensuite, ils retournent dans la société.
Fermer la prison de Forest est une nécessité, et nous saluons le courage du bourgmestre qui, enfin, prend sur lui de mettre à exécution une décision qui aurait dû être prise depuis de très nombreuses années.
En même temps que réaliser cet acte politique fort, votre collègue et camarade ouvre de manière renouvelée le débat sur la rénovation de la politique carcérale, qui est aussi essentielle, et prend le chemin d’une politique novatrice, en phase avec son époque. Stopper le cauchemar de Haren irait aussi en ce sens. Empêcher la surpopulation dans la prison de Saint-Gilles, ce qui a été pratiqué dans la commune voisine, serait également un pas dans cette direction. Soulignons-le encore, ce genre de mesure permet en plus de réaliser des économies qui pourraient adéquatement être utilisées pour la réinsertion des détenus, qui sont nos futurs voisins.


Monsieur le Ministre d'Etat, Monsieur le Président du Parlement Bruxellois, Monsieur le Bourgmestre, Cher concitoyen,
Réaliser le projet de Haren serait une faute politique, une tache indélébile pour la Région.
Nous vous demandons de stopper ce train fou, comme vous en avez la possibilité et le devoir, de sorte que l’adage ne soit pas accompli en cette période tourmentée qui appelle la solidarité, la fraternité et le courage : Errare humanum est, perseverare diabolicum.

Dans l’attente de lire votre réponse, nous vous prions Monsieur le Ministre d'Etat, Monsieur le Président du Parlement Bruxellois, Monsieur le Bourgmestre, Cher concitoyen, d’agréer l’expression de nos salutations distinguées.


Jean-Baptiste Godinot, Luk Vervaet, Elisabeth Grimmer


Commentaires

Dulcinorix a dit…
J'aime beaucoup la seconde partie de la lettre qui concerne la politique carcérale. La première qui concerne la prise de décision me paraît moins intéressante.
Qui décide et pourquoi? Tout cela est complexe. Les choses échappent en grande partie à l'exécutif lui-même, qui, comme son nom l'indique, n'est qu'un exécutif. Les nombreux lobbies, les pressions politiques, électorales, médiatiques empêchent à mon avis dans certains cas n'importe quel politicien de prendre des décisions correctes. Pour les citoyens, étant généralement eux-mêmes sous influence, influer sur ces décisions est difficile. Le harcèlement subi par les politiciens aggrave parfois encore le problème.
D'où viennent les projets de réforme. D'où vient par exemple le projet de réforme du travail Peeters. De l'O.C.D.E., de l'U.E., de la Commission ! Faute de pouvoir faire autrement, les dirigeants se font les porte-parole d'idées qui ne viennent pas d’eux, tandis que d’autres profitent de l’aubaine pour accaparer le pouvoir. On n'est plus au temps où un politicien faisait un grand discours et où les gens le croyaient. A supposer que ce temps-là aie jamais existé. L'exécutif doit s'exécuter sous peine de perdre toute crédibilité.
Pourquoi écrire à un ministre dans ces conditions? A quoi bon, dirais-je? On ne peut guère que le mettre amicalement en garde?
Pour tout dire, je ne crois pas que C. Piqué accorda plus d'importance aux recettes communales qu'au sort des détenus. Mais il faut bien qu'il fasse et surtout qu’il dise quelque chose. Et, de fait, tant qu'à faire, à partir du moment où construire une méga prison sert avant tout à permettre à certains de faire des gros sous, pourquoi renoncer à en tirer parti également un minimum, en construisant par exemple des logements? Les raisons qu'un homme d'état invoque sont parfois fallacieuses. Mais doit-on parler de raisons?
Certains font des gros sous aux dépens d'un état que sa dette publique anéantit jour après jour. Ils en provoquent la faillite en s’acharnant à promouvoir des orientations (privatisations en tout genre, vente des biens publics, privatisations des services sociaux et destruction des acquis sociaux) qui sont jugées incontournables, exemplaires par tous les médias et plumitifs possibles.
En l’occurrence, le problème politique principal qui se pose découle de l’adhésion d’une grande partie de l’opinion dûment manipulée à certaines thèses sécuritaires. La crise fait peur et les gens adhèrent aux solutions qu’on leur propose par peur également et faute de rien comprendre.
Ainsi, démolit-on l’institution judiciaire, la justice, et réintroduit-on des formes de torture déguisée en jouant sur les faits et sur les termes. Les forces de l’ordre elles-mêmes se radicalisent et les violences policières racistes se multiplient. Tout cela ne dépend pas de la volonté des politiciens, mais d’une stratégie qui engendre du racisme depuis longtemps et contre laquelle les politiciens sont de plus en plus impuissants à supposer qu’ils combattent cette stratégie. Beaucoup plus en amont, les choix opérés il y a parfois plus d’un demi-siècle, décident à leur place. Ces choix eux-mêmes furent souvent inévitables. Ainsi, a-t-on fait le choix d’adhérer il y a trois-quarts de siècle à des organisations et à une logique déterminée laquelle est à l’origine de la dérive actuelle. Il aurait difficilement pu en être autrement. La Belgique était occupée et il lui fallait suivre le même chemin que ses alliés d’alors.
Pour conclure, je dirais qu’il s’agirait de s’interroger sur l’inexistence du politique dans les temps présents. Le politique n’a presque jamais été aussi sollicité, aussi présent, et en même temps aussi impuissant. Il est à mon avis nécessaire de le réinventer, de le reconstruire, ainsi que la démocratie, de A à Z. Sans cela, j’ai bien peur que nous n’allions droit dans le mur.

Paul Willems

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