Mawda, qui a appuyé sur la gâchette ?

  

— © AP Photo/Kirsty Wigglesworth

Fallait-il une peine plus sévère pour le policier qui a tué Mawda ? 

Je pense que pour lui, comme pour n’importe quel être humain, vivre le restant de ses jours avec la mort d’une petite fille sur la conscience est déjà une chose terrible et une peine en soi. Je crois le policier quand il a déclaré « Si j’avais le pouvoir de remonter le temps. La mort d’un enfant c’est insupportable… La maman de Mawda m’a demandé ce que je ressentirais si je perdais un enfant. Je serais dévasté comme vous. Jamais je n’ai voulu ce qui s’est passé ». Je m’oppose encore plus à ceux qui trouvent que ce n’est pas le policier mais les parents meurtris de Mawda qui devaient être punis. Ou encore le chauffeur ou le passeur. 

Dans notre société néo-libérale, tout est ramené à la responsabilité individuelle. 

Tout se concentre sur le rôle d’un individu dans un incident précis : les individus responsables dans un drame particulier doivent être punis. Punis par des années de prison bien sûr. Il n’y a même pas l’ombre d’une réflexion sur une peine qui pourrait avoir du sens, comme d’obliger ce policier à aller travailler dans un camp de réfugiés comme travailleur social. 

Pour calmer l’indignation et mettre la responsabilité sociétale hors de la vision, les autorités vont même faire un geste de miséricorde pour ce cas particulier. Les parents de Mawda peuvent rester en Belgique où se trouve la tombe de leur fille. Les autres réfugiés dans la camionnette ou les milliers d’autres qui demandent une régularisation depuis des années continueront leur vie en enfer. Des papiers, c’est tout ce que revendiquent aujourd’hui les occupants de l’église du Béguinage ou de l’ULB à Bruxelles.

Je ne plaide pas pour l’impunité des individus. 

Mais c’est la responsabilité politique et sociétale qui reste systématiquement hors du champ judiciaire. Une responsabilité écrasante aussi bien sur le plan de la cause des flux migratoires et de l’accueil des réfugiés que sur le plan de la violence systémique de l’État. 

Ainsi les questions, qui tient l’arme, qui a le doigt sur la détente, qui encourage et stimule un policier à tirer, se posent autrement. 

D’abord, il y a les inégalités monstrueuses dans ce monde et les guerres qui poussent les personnes sur le chemin de l’exil. Les criminels des guerres sans fin se trouvent parmi nous. 

Puis, il y a notre rejet de ces réfugiés, notre peur, notre haine et notre indifférence pour ce qu’on appelle les (trans)migrants, notre refus des Mawda et de leurs parents. Au point où nous interdisons même à des enfants et à des bébés belges nés et prisonniers dans des camps en Syrie de rentrer chez nous. En les condamnant ainsi à une mort quasi certaine.     

Devant les murs aux fils barbelés ou dans la Méditerranée, les petites Mawda meurent par centaines. Qui interdit aux bateaux de sauvetage de sortir des ports pour aller à leur secours ? Qui interdit aux bateaux sortis d’accoster dans nos ports ? Qui place les réfugiés dans des camps de concentration ? 

Ce n’est que dans ce monde inégalitaire et ce climat de rejet violent des migrants qu’un policier peut imaginer qu’il peut sortir son arme et tirer sur une camionnette avec à son bord des migrants en fuite. 

Enfin, il y a cette manière de régler les conflits et les problèmes sociaux. Non, la mort de Mawda n’est pas isolée. Elle fait partie d’une chaine de violence à la fois raciste et dirigée contre tous les pauvres. Allant des violences d’une police de plus en plus militarisée qui mène à la mort de jeunes Arabes et de jeunes Noirs dans nos villes, jusqu’à celle qui s’abat dans les prisons. Où ces mêmes personnes de couleur et les pauvres sont surreprésentés, tout comme aux Etats-Unis. On peut y ajouter la violence que constituent les centres de détention, les expulsions, les extraditions, les déchéances de la nationalité de plus en plus fréquentes.

Que Mawda repose en paix et devienne le symbole de notre opposition aux guerres, aux inégalités et aux violences de l’État.   

   


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