Le procès des attentats de Bruxelles : les médias et « le droit à l’information »
Wikileaks : collateral murder in Bagdad, droit à l'information ? |
Dans l’affaire Sanda Dia, le jeune étudiant de la KU Leuven, décédé lors de son baptême sadique, organisé en 2018 par des membres du Cercle étudiant Reuzegom, la presse n’a publié ni noms, ni dessins, ni images des 18 auteurs.
Pourquoi ?
Voici la réponse de la chaine flamande de la
télévision belge, la VRT. « Parce que la Cour a jugé que ces membres n'ont
pas voulu cette mort, qu'ils ne l'ont pas fait intentionnellement et qu'il y a
là une reconnaissance de culpabilité. Dans ces conditions, la VRT NWS ne
juge pas nécessaire de révéler leur identité. En tant que VRT NWS, en tant
qu'acteur médiatique, nous avons aussi un rôle à jouer pour maintenir la sérénité dans des cas sensibles et
émotionnels comme celui-ci », a déclaré Dimitri Verbrugge, rédacteur
en chef de "VRT NWS Journaal.
Les condamnés pourront tranquillement poursuivre leur vie et
leur carrière professionnelle sans que personne ne soit informé de quoi que ce
soit. Depuis la mort de Sandra Dia, certains de ces jeunes privilégiés ont fini
leurs études et ont quitté l’université, d’autres encore étudient à
l’étranger. En ne publiant ni leurs
noms, ni leurs visages, les condamnés ont toutes les chances à la réinsertion.
Ce qui a fait réagir plus d’un, dénonçant une justice de
classe et les deux poids deux mesures de la Justice et de la presse. Ainsi,
Jacques Englebert, un avocat spécialiste du droit des médias, trouvait
« incompréhensible » que la presse
n’ait pas révélé leurs noms. Le professeur comprend l’argument de la
réinsertion, mais, dit-il, alors cela devait être aussi d’application pour
d’autres types de condamnations. Ce qui n’est pas le cas. « Il faut quand
même se rappeler l’ignominie des faits. Ces jeunes ont continué leurs études à
l’étranger et maintenant disent 'on voudrait bien pouvoir se réinsérer'. »
Les attentats : « le droit à l’information du
public dans un dossier qui a marqué fortement et durablement l’ensemble de la
société »
« Maintenir la sérénité dans les cas sensibles et émotionnels » ne vaut pas pour les condamnés au procès des attentats. Bien avant leur condamnation ou la prononciation des peines, leurs noms et leurs visages, dessinés de manière photographique, se trouvaient déjà dans la presse. Et lors de la prononciation des peines, la chaine francophone de la télévision belge a décidé de montrer les images des accusés en direct. Sauf un, dont on ne publie que le nom et prénom (sic), parce qu’il sera prochainement libéré.
Voici
l’explication de la chaine francophone de la télévision belge. « Durant le
procès, la RTBF a respecté la demande de la Cour de ne pas montrer les accusés
à l’audience. Les peines sont maintenant prononcées et nous avons dès lors
choisi de diffuser les images des condamnés. Ces images font partie du droit à
l’information du public, dans un dossier qui a marqué fortement et durablement
l’ensemble de la société.»
Le droit à l’information ?
Quel est l’intérêt de ce droit à l’information du public en montrant au public le visage des condamnés à la perpétuité ou à trente ans de prison ? Le visage de ceux qui ne sortiront probablement plus jamais. Le visage de ceux qui ont été marqués au fer blanc et dont la vie est détruite à tout jamais. Ils porteront le stigmate de condamné terroriste, qui fait que quoi que vous fassiez ou disiez, tout sera considéré comme un mensonge.
Est-ce pour les faire connaître à tous les autres prisonniers et surveillants des prisons quand ils arrivent dans une nouvelle prison après un énième transfert ?
Est-ce pour créer encore un eu plus de douleur chez les parents et les familles des condamnés ?
Ou est-ce pour dire que de toute
façon, contrairement aux membres de Reuzegom, pour eux il n’y a pas de
réinsertion possible.
Non, pour moi, il ne faut pas publier les noms ou les visages des condamnés de Reuzegom. Qu’on publie et republie l’image de Sandra Dia pour qu’il ne soit pas oublié. Arrêtez de mettre les condamnés du procès des attentats au pilori. Ce n’est rien d’autre qu’une pratique du Moyen Age reprise par la presse.
Oui, souvenons-nous des victimes.
De toutes les
victimes, de celles de Paris, de Bruxelles, mais aussi celles de Bagdad ou de
Kaboul.
Et pour Julian Assange ?
Dans ces derniers cas, j’ai une pensée pour Julian Assange. Pourquoi
est-il depuis cinq ans dans une prison de haute sécurité, lui qui voulait
simplement exercer « son droit à informer le public », en nous
montrant les images des massacres commis par les armées occidentales en Afghanistan
et en Irak ?
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