Les regrets du Roi ne sont pas les nôtres
Dans sa lettre à l’occasion du 60ième anniversaire de l’indépendance du Congo, avec en filigrane Black Lives Matter et la décapitation des statues de Leopold II, le Roi des Belges (et le gouvernement belge) ont formulé des regrets pour, je cite, « les actes de violence et de cruauté qui ont été commis à l’époque de l’Etat indépendant du Congo et pour les souffrances et les humiliations pendant la période coloniale ». Des commentateurs ont remarqué que le Roi des Belges n’a pas pu sortir le mot « excuse » de sa bouche. Ce que même Macron a su faire, lorsqu’il a présenté ses excuses à l’Algérie, lors de son voyage en 2017.
Excuses est un mot qui ne se trouve pas dans le dictionnaire colonial belge. Avant de prononcer ce mot terrible, il faut encore une commission parlementaire et des scientifiques universitaires pour examiner l’affaire. Comme si tout n’était pas déjà connu. Comme si les livres et les études scientifiques sur les crimes et les horreurs de la colonisation belge au Congo n’existaient pas et ne pouvaient pas remplir un salon, si pas une bibliothèque entière.
Mais le problème n’est pas là : regrets ou excuses, les mots sont faciles. Parce que, comme on le sait, qu’il s’agisse des regrets d’un Roi ou des excuses de Macron, cela n’a rien changé. Ni au racisme d’État, ni à l’exploitation des pays du Sud, ni aux interventions impérialistes actuelles de ces pays. Ni au fait que les multinationales continuent à piller le monde et que les inégalités en 2020 sont devenues criantes à un niveau jamais vu : quelques 250 personnes possèdent autant que 7 milliards personnes sur cette planète.
Les regrets royaux ne sont pas les nôtres.
Les nôtres s’adressent aux paysans congolais, aux ouvriers, aux sans-emplois, aux pauvres.
Nous regrettons notre indifférence face à vos souffrances, celles du passé et celles d’aujourd’hui.
Nos regrets de ne pas avoir été à vos côtés lors de vos révoltes et de vos rebellions contre le colonialisme pour renverser, ensemble, le système colonial et impérialiste.
D’avoir manqué à nos devoirs internationalistes quand la Belgique, les États-Unis et leurs mercenaires congolais ont assassiné Patrice Lumumba, et quand, plus tard, Pierre Mulele et autres rebelles ont pris les armes contre le régime néocolonial de Mobutu.
Nous regrettons que la gauche belge, du PS au PC, n’ait jamais su développer une solidarité de lutte entre nos peuples, mais a, au contraire, soutenu la colonisation jusqu’à son dernier jour.
Nous présentons nos excuses aux enfants noirs au Congo, qui cueillaient le coton, sous la menace de peines corporelles terribles, ainsi qu’aux enfants blancs qui travaillaient dans les usines de textile belges, à partir de l’âge de 8 ans pour rattacher les fils brisés sous les machines à tisser en marche, nettoyer les bobines encrassées, ramasser les fils de coton, surveiller les machines en restant jusqu'à 16 heures debout.
Nous ne voulons pas d’excuses, mais une condamnation des firmes belges et internationales, de ceux et de celles qui ont commis des actes monstrueux à leur service, de ceux qui se sont enrichis grâce à l’esclavagisme et au pillage du Congo et nous demandons une réparation humaine et financière conséquente.
Nous regrettons que la gauche belge n’ait pas su développer une véritable politique anticapitaliste et antiraciste. Qu’elle a démoli des alliances qui allaient dans ce sens, comme l’expérience de Resist, l’alliance entre la Ligue arabe-européenne et le Parti du Travail de Belgique, en faveur d’un parlementarisme bourgeois.
A l’occasion du 60ième anniversaire de l’indépendance du Congo, nous vous promettons d’être à vos côtés dans la lutte contre le racisme, le colonialisme, l’impérialisme et ses guerres.
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