Mères acharnées pour Belges oubliés
Les mères et les sœurs d'Ali et d'Oussama ont quelque chose d'universel.
Elles me rappellent Carine Russo, Tinny Mast ou Elisabeth Brichet, qui, il y a quinze ans, se sont battues avec l'acharnement maternel et tous les moyens en leur pouvoir pour leurs enfants disparus. Elles me rappellent les « folles de la Plaza de Mayo » à Buenos Aires, manifestant pendant des années avec les photos de leurs enfants, disparus sous la dictature. Lorsque Farida ou Asma me disent : "Chaque nuit, je vais dormir en larmes", je pense à cet océan de tristesse chez Tinny Mast, quand elle me parlait de ses enfants disparus, Kim et Ken.
La famille Atar se bat pour la vie d'Oussama. Il a 27 ans et se trouve depuis presque sept ans dans l'enfer des prisons irakiennes. Il a été arrêté par les forces d'occupation américaines dans la zone dite sunnite en Irak pour avoir franchi illégalement la frontière syro-irakienne. Il a été condamné à dix ans de prison. Selon des rapports médicaux officiels, Oussama est gravement malade. Oui, Oussama a fait presque toutes les prisons irakiennes. D'Abou Ghraib, la tristement célèbre prison de la torture, à la prison de Rusufa, tout aussi notoire.
La famille Aarrass se bat pour Ali (48 ans). Depuis deux ans et demi, il se trouve en isolement dans la section de haute sécurité de la prison espagnole de Botafuegos à Algeciras. Pour les tribunaux espagnols, il peut être libéré. Parce que les accusations de « terrorisme » à son égard ne tiennent pas. Mais en raison d'une demande d'extradition du Maroc dans l'affaire Belliraj, Ali reste en prison. Presque toutes les organisations internationales des droits de l'homme ont cloué au pilori le procès Belliraj comme une farce et comme le procès de la torture. Amnesty International Espagne a lancé un appel contre l'extradition d'Ali vers le Maroc. Ali lui-même a mené deux grèves de la faim, au péril de sa vie, contre son incarcération. Pourtant, Ali reste en cellule.
Ali et Oussama ont tous les deux la nationalité belge.
Pendant des années, les autorités belges ont joué l'impuissance face aux demandes d'aide et aux questions des familles. Cette attitude n'a pas changé depuis que la Belgique préside le Conseil de l'Union européenne et que le président de l'Union européenne est belge. On dit aux familles que la Belgique ne peut rien ou presque rien. Et qu'elles ne doivent pas faire trop de publicité autour de ces cas, parce que cela risquerait d'entraver une évolution positive.
Je me souviens du cas du Dr Jan Cools, qui était un bon ami à moi. Le 21 mai 1988, un groupe de terroristes islamistes l'a kidnappé à Rashidiye, un camp de réfugiés palestiniens au Liban, où il travaillait en tant que médecin. A ce moment-là, le ministre belge des Affaires étrangères était Leo Tindemans (CD&V). Je peux vous garantir que Jan n'était pas populaire dans les milieux gouvernementaux, qui estimaient que ce militant maoïste avait lui-même cherché les ennuis et que la situation au Liban était extrêmement compliquée et difficile. Le chargé d'affaires belge à Beyrouth ne bougeait pas. Mais Tindemans n'est pas resté sourd aux appels à l'aide. Il a chargé un haut fonctionnaire, Jan Hollants van Loocke, de s'occuper de ce cas. Et tout a changé. Hollants van Loocke était un diplomate compétent et intelligent, qui entretenait une très bonne relation avec le mouvement de solidarité belge et la famille Cools. Les médias s'y sont mis aussi. Un journaliste de la télévision belge flamande, Johan Depoorter, a accompagné les parents de Jan Cools à Beyrouth. Le ministre Urbain (PS) s'est rendu en Libye pour négocier avec le président Kadhafi et lui demander d'intervenir auprès des ravisseurs. Jan Cools a finalement été libéré sain et sauf en juin 1989. Le gouvernement belge a même mis un avion à la disposition de la famille Cools pour aller chercher Jan lors de sa libération.
Bien sûr, l'enlèvement de Jan n'est pas l'incarcération d'Ali ou d'Oussama. Mais l'affaire de Jan interpelle le gouvernement belge actuel quant à sa passivité écrasante dans les cas d'Ali et d'Oussama.
Pourquoi pas la même fermeté dans la prise en main des cas d'Ali et d'Oussama que celle manifestée dans le cas de Jan? Serait-ce parce que Ali et Oussama ne se prénomment pas "Jan" et que la famille Atar ou Aarrass ne se nomment pas "Cools"? Ou a-t-on atteint un tel degré d'islamophobie qu'un gouvernement se sente plus concerné par une famille catholique que par des familles musulmanes ? En bref, existe-t-il deux catégories de citoyens belges ? Ou le gouvernement belge est-il prêt à intervenir lors d'un enlèvement par un groupe terroriste islamiste mais pas face au terrorisme d'Etat des nations et régimes amis?
Les questions sont posées.
Vu la situation dramatique d'Oussama et d'Ali, elles exigent une réponse claire et urgente.
1Conférence de presse sur « l'Affaire Ali Aarrass » : le jeudi 7 octobre 2010 de 10.30 à 12.30 heures dans les locaux de la Ligue des droits de l'Homme, Rue du Boulet 22, 1000 Bruxelles avec maître Mohamed Ali Nayim, l’avocat espagnol d’Ali Aarrass, Aberrahman Benyahya, président et porte-parole de la CIM, Mustafa et Farida Aarrass, père et sœur d'Ali, maîtres Alamat Dounia et Christophe Marchand, ses avocats belges, Amnesty International Belgique (invité). Conférence publique le jeudi 7 octobre de 19 à 22 heures avec les mêmes intervenants au Centre Communautaire Maritime, Rue Vandenbogarde, 93 à 1080 Bruxelles.
2Rassemblement " Sauvons Oussama" Samedi 9 octobre à 14.30 h Palais de Justice Place Poelaert Bruxelles (Métro Louise).
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