Où en est-on dans l'affaire Ali Aarrass ?

Un mois et demi après l’extradition d’Ali Aarrass de l’Espagne vers le Maroc, sa famille ne sait toujours rien. 50 jours après son extradition, aucun membre de la famille Aarrass n’a eu droit, ne fût- ce qu’une seule fois, à une nouvelle, un contact, un coup de téléphone, une petite phrase… de la part des autorités marocaines, espagnoles ou belges. Ali, qui donnait régulièrement des nouvelles à sa famille quand il était en prison en Espagne, n’a plus donné signe de vie depuis son extradition. Tout contact avec le monde extérieur lui est interdit.
D’après des sources marocaines, Ali Aarrass aurait été maintenu en garde à vue pendant 15 jours. Il aurait été interrogé par la BNPJ, la Brigade nationale de la police judicaire, une police d’investigation et d’enquête, qui dépend de la Direction générale de la sûreté nationale ( DGSN). Elle ne s’occupe que des ‘grandes affaires’ ayant une importance nationale. Selon le journal marocain Assabah, Ali a été emmené, cagoulé, dans différentes villes du Maroc, comme le Nador, à la recherche des armes et que RIEN n’a été trouvé.
Ensuite, Ali aurait été transféré devant le procureur du Roi le 24 décembre 2010. D’après des sources judiciaires, pendant toute cette période, comparution devant le procureur incluse, Ali n’a pas eu droit à un avocat. Les rapports de l’instruction ont eux aussi été rédigés sans la présence d’un avocat. D’après ces mêmes sources, ce dernier n’a pu consulter le dossier d’Ali Aarrass que le 18 janvier 2011, jour de la comparution d’Ali devant le juge d’instruction auprès de la Cour d’appel de Rabat en charge des affaires de terrorisme, Monsieur Abdelkader Chentouf. Ce super-juge est appelé par la presse du régime marocain ‘le célèbre juge antiterroriste marocain’, (La Gazette du Maroc du 12 décembre 2005) ou ‘la sommité juridique de la lutte antiterroriste’ (Le journal Aujourd’hui Le Maroc du 7 octobre 2010). C’est aussi lui qui s’est occupé du dossier et du procès Belliraj.
Mais le plus inquiétant jusqu’à présent, ce sont les pratiques de la BNPJ.
Sur les pratiques de cette Brigade, Amnesty International commente  l’arrestation et l’interrogation de sept personnes à Fès, le 28 juin  dernier. Mohamed Sleimani, Abdalla Balla, Bouali Mnaouar, Hicham el  Hawari, Izaddine Sleimani, Hicham Sabbahet Tarek Mahla ont été arrêtés   pour « association non autorisée », « formation d’association de  malfaiteurs », « enlèvement et détention d’une personne » et « torture  ». Le 21 juillet 2010, Amnesty écrit :  « Ces sept hommes ont été  arrêtés par la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ). Ils ont  été conduits au centre de détention de la BNPJ à Casablanca et placés  dans des cellules séparées pendant 72 heures. Durant cette période, ils  affirment avoir été laissés nus, menottés et les yeux bandés, sans  nourriture et avec très peu d’eau. Tous disent avoir été torturés, et  notamment – pour au moins cinq d’entre eux – violés à l’aide de stylos  et d’autres objets introduits de force dans leur anus. Selon leurs  dires, ils ont été contraints à signer des déclarations qu’on ne les a  pas laissés lire, sous la menace d’être jetés par une fenêtre s’ils  refusaient… ».
N’y a-t-il pas des raisons de s’inquiéter sur le sort d’Ali ?
Les organisations belges, espagnoles ou marocaines des droits de l’homme  ne devraient-elles pas se lancer dans une campagne pour en savoir plus  sur la situation d’Ali ?
La semaine passée, la Cour européenne des droits de l’Homme a, à juste  titre, condamné la Belgique pour l’expulsion d’un Afghan vers la Grèce,  estimant que « les droits élémentaires du demandeur d’asile ne peuvent pas être respectés dans ce pays » et que « les conditions d’accueil y sont déplorables ».  Après ce verdict, le secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration,  Melchior Wathelet, a décidé de suspendre tous les transferts vers la  Grèce. Le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Norvège et l’Allemagne ont pris  la même décision.
Dès lors, comment comprendre que l’Europe continue à extrader impunément  des suspects ou des condamnés pour terrorisme vers le Maroc ? Ne  connait-elle donc pas les « les conditions d’accueil » « déplorables » pour les personnes extradées ?
Nous ne pouvons comprendre cette « ignorance » que dans le  cadre de la Sainte Alliance entre l’Europe et les régimes  pro-occidentaux arabes contre la menace terroriste. Au nom de celle-ci,  les pires pratiques de violations des droits élémentaires des détenus  ont été approuvées et mêmes encouragées par l’Europe.
Comme semble le confirmer la récente décision d’extrader Ali Aarrass.
 
 
 
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