Le monde carcéral, il faut le voir pour le croire. Lettre de médecins et de membres du personnel soignant dans les prisons (Journal De Standaard DS 30 novembre 2022)

 

Les détenus dans nos prisons doivent avoir accès à des soins médicaux appropriés, écrivent quatorze professionnels du secteur.

La semaine dernière, les directeurs de prison flamands se sont plaints que les droits de l'homme des détenus sont systématiquement violés (DS 25 novembre). Nous n'avons pas d'autre choix que de les rejoindre. En outre, nous pouvons comprendre le mécontentement du personnel pénitentiaire qui doit travailler dans des conditions de plus en plus difficiles et qui est en grève tous les mercredis de novembre et décembre. 

Comme pour les « violations courantes des droits de l'homme » en dehors des jours de grève et le problème structurel de la surpopulation, le public ne remarque rien. Si vous êtes enfermé ou  si vous travaillez à l'intérieur, cela vous ronge.

« Des pilules et de la nourriture, ce sera tout pour aujourd’hui », résume un gardien, tout seul à Saint-Gilles, à un interné. Ce qu’en pensent ou ressentent ceux qui sont en cellule, ils ne peuvent le faire savoir qu'en criant, en faisant claquer le judas ou le guichet de leur porte, ou en frappant sur celle-ci. Les détenus ne peuvent pas prendre l’air, ne reçoivent pas la visite de leur famille ou de leurs proches et, dans de nombreux cas, l'accès aux soins est limité, voire inexistant.

Les jours de grève, les droits des détenus sont systématiquement violés. Quels sont les droits qui leur restent ?

L’accès à des soins appropriés laisse souvent à désirer, même en dehors des jours de grève, dans une population très vulnérable mentalement, physiquement et socio-économiquement. Pour les internés, on peut souvent cocher les trois cases en même temps. Les problèmes mentaux, y compris la toxicomanie, sont courants, le suicide est six fois plus fréquent que la moyenne. Le diabète, les maladies cardiovasculaires et les tumeurs malignes sont également surreprésentés parmi ces patients. Il est important de noter qu'un grand nombre de ces conditions sont favorisées par les conditions de vie en prison. Par exemple, nous savons que le suicide en prison est plus fréquent en raison de l'isolement, du manque de visites et de l'incertitude liée à la détention provisoire. Le manque chronique d'exercice et le "stress" de l'incarcération ont un impact sur à peu près tous les états pathologiques de l'encyclopédie médicale.

Le suivi et le traitement de toutes ces affections sont souvent inversement proportionnels à leur fréquence et à leur gravité. 

L'accès aux patients est souvent entravé, les infrastructures ne sont pas conformes aux normes, la prévention est inexistante. Le dossier médical, dans lequel on peut noter les antécédents et les rapports des médecins de l'hôpital, standard pour les patients hors de la prison, est absent. Les conditions de vie problématiques et le manque de suivi pendant la détention se traduisent par des coûts de santé et des taux de récidive plus élevés après la libération. C'est pernicieux pour le détenu, pour la prison, mais aussi pour la société.

Retour à n'importe quel jour de grève, où les consultations et les soins se font uniquement par le biais du fameux judas. 

Cette situation est non seulement dégradante, mais elle rend également impossible la prestation de soins et peut nuire directement à la santé du patient détenu. Les « accidents » sont inévitables.

Dans ces circonstances, les droits du détenu sont systématiquement violés. En outre, elles nuisent à tous ceux qui y sont confrontés, en particulier la famille, le personnel pénitentiaire et le personnel soignant.

Pour ces raisons et bien d'autres, nous soutenons pleinement la démarche justifiée des directeurs et espérons qu'il s'agit d'un tremplin vers une exécution plus humaine des peines.

Brecht Verbrugghe, médecin généraliste à la prison de Saint-Gilles 

Arthur Dauwe, soins psychiatriques (hommes & femmes internés) à la prison de Bruges

Pieter Dejaeger, infirmier à la prison de Saint-Gilles

Hans Jacobs, médecin généraliste à la prison d'Anvers

Jesse Govaerts, médecin généraliste à la prison d'Anvers

Victor Camerlynck, médecin généraliste à la prison d'Anvers

Nicolas Pierre, médecin généraliste à la prison de Haren

Magda Geets, infirmière en prison à Gand

Egmont Ruelens, ancien médecin généraliste de la prison de Gand

Lucie Blondé, médecin généraliste à la prison de Gand

Wout De Ruyck, soins psychiatriques en prison à Gand

Leo Ruelens, psychiatre de soins et psychanalyste à la prison d'Audenarde et de Beveren

Joachim Lenelle, ancien médecin généraliste de la prison de Saint-Gilles

Daniel Dushime, ancien médecin généraliste en formation à la prison de Saint-Gilles et Berkendael

Ingrid Van Den Velde, psychiatre de soins à la prison de Gand


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