Le temps des menaces contre Ali Aarrass et Zoé Genot


Monsieur Sumah, un homme condamné au Maroc à la perpétuité, plus vingt ans de prison pour terrorisme, est sorti miraculeusement après seulement trois ans et demi de prison (!). On ne saura jamais quel accord il a conclu avec les autorités pour obtenir sa libération. Ce qu’on sait c’est qu’il a trouvé un nouvel emploi.  Celui de porte-parole des services secrets marocains contre tous les opposants et tous les ex-détenus politiques au Maroc. Parmi eux Ali Aarrass, qui a purgé une peine de douze ans de prison jusqu’au dernier jour. À travers ses vidéos, Monsieur Sumah apparaît comme un psychopathe dangereux, obsédé par « le sang et les armes ». Toutes ses « révélations » sur Ali Aarrass viennent après la libération de ce dernier. Elles viennent après un silence de treize ans de ce même monsieur Sumah, qui n’a jamais été appelé à la barre comme témoin à charge pendant le procès d’Ali ni été cité dans un seul rapport dans cette affaire. Sumah n’apporte aucune preuve de ses affirmations mais s’oppose à tous les rapports concernant Ali Aarrass, qu’ils émanent d’Amnesty International, du juge Balthazar Garzon ou de Juan Mendez, rapporteur de l’ONU contre la torture.

La récente publication de la vidéo de Dounia Filali, blogueuse populaire marocaine, actuellement réfugiée politique en Chine, diffusant une interview d’Ali Aarrass a créé une nouvelle onde de choc[1].

Jusqu’à ce jour, près de 150 000 personnes ont regardé cette vidéo d’une heure et demie. La réaction de Monsieur Sumah ne s’est pas fait attendre. Il est remonté au créneau et a réalisé une vidéo en arabe dont des parties ont été reprises sur des sites en français. Dans cette vidéo, il s’adresse à Dounia Filali en reprenant le chantage de l’ambassadeur marocain en Belgique, qui avait suggéré que la protection de la Belgique contre le terrorisme par le Maroc pourrait être mise en danger si Ali Aarrass continuait à discréditer le Maroc.[2] Monsieur Sumah va plus loin. Il suggère qu’un incident avec des armes (un attentat ?) pourrait avoir lieu en Belgique dans lequel Ali Aarrass serait impliqué. Il déclare entre autres ceci (traduit de l’arabe):

« Quant à toi Dounia Filali, il faut que tu saches que les enfants marocains ne laisseront pas ton interview d'Ali Aarrass sans suite. Tu en as fait un ange en le présentant comme s'il avait vendu des jouets au lieu d’armes. Encore une chance que ces armes nous ne les avons pas utilisées au Maroc... Dans le cas contraire, il y aurait eu beaucoup de sang des enfants marocains, cela aurait pu être un enfant de ta famille et d'autres familles aussi ! Grâce à Dieu on était mature et on a remis toutes ces armes à la police. Sache, si jamais il lui reste encore d'autres armes, si elles sont utilisées et si des gens meurent, alors tu seras complice d'Aarrass… Alors tu seras jugée ici-bas et dans l'au-delà ! Le témoignage d’Ali Aarrass lui donne l'occasion de salir la réputation et les intérêts du Maroc. Alors je vous envoie ce message aussi de la part de ceux qui portent avec moi l'esprit de bon citoyen pour te dire à toi Dounia et aux autres ce qui suit : moi Sumah et mes frères marocains refusons ce genre de provocation, nous ne resterons pas dans le silence, vous nous verrez en face de vous, sans merci, et sans pitié. Nous allons dévoiler vos mensonges et cela jusqu'à ce que la mort nous sépare ».

La police antiterroriste belge prend-elle au sérieux ce genre de menaces à peine déguisées ?  N’est-ce pas plutôt l’annonce d’une provocation terroriste marocaine, qui impliquerait Ali Aarrass par sa présence sur les lieux, prouvant ainsi sa culpabilité et en même temps la nécessité de la collaboration avec le Maroc ?


Les menaces de mort de l’extrême-droite belge contre la députée Ecolo Zoé Genot

Zoé Genot est une militante pacifiste. Il y a dix ans, en tant que députée fédérale, elle s’est fait connaître pour son opposition aux armes nucléaires et à la violence et la guerre. Elle s’est clairement exprimée contre toute forme de terrorisme islamiste ou autre, mais aussi contre la torture, la maltraitance et l’abus de pouvoir de la part des gouvernements au nom de la guerre mondiale contre le terrorisme. 

En tant que députée, elle a été parmi les rares courageuses à s’être opposée à ce qu’on appelle « les dégâts collatéraux de la guerre antiterroriste ». Ainsi, elle a amené à une conférence au parlement les familles de détenus belgo-marocains au Maroc que personne ne voulait écouter, pour qu’elles puissent s’exprimer, raconter leur détresse et témoigner de leur abandon par les autorités. Elle a fait de multiples interventions au parlement pour demander un traitement humain des prisonniers et pour qu’une assistance consulaire belge soit accordée à Ali Aarrass.  Elle n’a jamais dit ou fait plus que ça. Mais c’est suffisant pour que, depuis, elle soit agressée de manière ininterrompue comme « sympathisante terroriste », par la droite et l’extrême-droite fasciste. Ces dernières semaines, des fascistes ont à nouveau lancé des attaques contre elle. Voici quelques exemples de leurs tweets.

Hely Hutchinson : Zoé Genot est l’indéfectible alliée des terroristes islamistes.

Roger Lahonte : Cette femme est ce qu’on appelle l’ennemi de l’intérieur. Elle sera rasée après la libération.

The Great White : Il faut rappeler que nous sommes en guerre contre le terrorisme islamiste et que la collusion avec l’ennemi en temps de guerre est passible de la peine de mort.

Ce ne sont que quelques exemples de menaces de mort en bonne et due forme.

Il est temps de prendre ces menaces au sérieux.

Ces menaces sont un rappel. Un rappel de l’affaire Jürgen Conings, militant de l’extrême-droite, qui avait menacé de s’en prendre « à des représentants de l’État belge » et au virologue Mark Van Ranst, et qui s’est suicidé avant de passer à l’acte. Une affaire qui a dévoilé la non-volonté « dans certaines strates de l'État » de poursuivre l'extrême-droite infiltrée dans l’armée belge, situation dénoncée par Serge Lipszyc, le président du Comité R.

Un rappel des meurtres d’Anders B. Breivik en Norvège qui s’est attaqué aux politiciens (et à leurs enfants) qui « favorisent l’immigration et l’islamisation de l’Europe ». Un rappel de l’assassinat de la députée travailliste Jo Cox, le 16 juin 2016, par un terroriste blanc parce qu’elle était, selon son assassin Thomas Mair,« un collabo et une traitresse du peuple blanc ». De l’assassinat, trois ans plus tard, le 2 juin 2019, de l'élu Walter Lübcke par le nazi Stephan Ernst pour ses positions « en faveur des réfugiés ».

Le déferlement de haine contre Zoé Genot doit s’arrêter. Avant qu’il soit trop tard, et par tous les moyens nécessaires.

 

 

 

 

 

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